Menu Pc

23/08/2019

PIXIES - Interview 1988 (Indie rock)

PIXIES Interview 1988

PIXIES Interview 1988


Out of Nowhere zine #2

PIXIES photo1988

Les Pixies : quatre jeunes américains à Paris, tout éblouis par le soleil, qui obéissent avec une (très rela­tive) bonne humeur aux injonctions sévères du photo­graphe des Inrockuptibles ("Sit clown, please ! Stand up, please!") sous l'oeil ahuri de paisibles retraités, qui pensaient trouver un peu de tranquillité dans ce vieux square poussiéreux.
Rien, à priori, ne les distinguent des hordes de tou­ristes ricains qui sillonnent les rues de la capitale (mêmes jeans, mêmes appareils photos).
Rien, à priori, ne les distingueraient des innombrables garage-bands (dans le sens où les Pixies jouent vraiment dans un garage) qui pullulent aux U.S.
Sauf que... Les Pixies sont chez 4.AD ("c'est vrai que nous n'avons rien à voir avec ce qu'ils sortent d'habitude, je suppose qu'ils voulaient se diversifier, avoir quelque chose de niais et simple" - Black Francis) ce qui engendre automatiquement une certaine méfiance chez qui connait la "strategie" des labels anglais "indé­pendants", surtout quand on sait que leur prochain disque sera produit par Gilt Morton ("le prochain se­ra...pop!, il parait." - B.F.); que c'est Ivo qui leur a "sug­géré" de reprendre "Vamos" sur leur deuxième Lp "Surfer Rosa"; ou que des "détails" comme de savoir si leur paroles seront imprimées sur les pochettes sont laissés à leur maison de disque.

Bref, les Pixies paraissent bien partis pour être le groupe "jeune, frais, doué d'une péche épatante" de l'année. Le type de groupe qu'adore tout rock-critic, passé l'age de trente an, (l'année dernière c'était Mar­tin Stephenson, il y a deux ans les Woodentops). CEPENDANT toute personne s'imaginant que les Pixies ne sont que de vulgaires pantins manipulés par des gens sans scrupules serait (en partie du moins) dans l'erreur.
Ecoutez "Surfer Rosa" ("Rosa la surfeuse", un titre en somme assez peu britannique ) leur son de guitare s'apparente plus à celui du GUN CLUB (du début) qu'aux JESUS and MARY CHAIN.
Sous leurs abords de collégiens U.S. (ce qu'ils sont, d'ailleurs) les Pixies possèdent cette hargne incisive, cette énergie teigneuse et sale qui fait les grands groupes (même si aucun d'eux ne dépasse le mètre soixante-cinq). Et puis, surtout, les Pixies ont un chan­teur, Black Francis (Charles de son vrai nom, "Charly to my friends ami Bucky to my loyers") qui sur des chansons comme "Cactus" et "Caribou" laisse perçer une émotion malsaine, ou miaulements plaintifs et hur­lements apoplectiques font naitre l'image d'une perver­sité enfantine et dérangeante.
Un peu comme lors des concerts, lorsque après un set plutôt statique, ce gros garçon retrousse ses babines, fait tournoyer sa guitare au-dessus de sa tête et BRAME: "in heaven... everything is FINE".
L'interview qui suit est composée de deux entretiens réalisés au cours de la tournée commune des Throwing Muses et des Pixies à Paris et à Washington (D.C.D.) OH MY GOLLY ! OH MY GOLLY!



PIXIES photo 1988

Quelle intention avais-tu en formant les Pixies ?

Black Francis: Quand je suis rentré de Porto Rico avec Joe le guitariste, je me suis trouvé un appart et j'ai dit : "Papa, je veux être dans un groupe de rock". Je me rappelle un jour où je me trouvais Plazza de Humanidades à Portorico avec une amie qui s'appelait Vicky. A l'époque je me baladais en jeans moulants dans le temps j'étais mince, ne bouffant que du riz et des haricots depuis six mois et en bas­kets avec des boucles d'oreille énormes. Bref Vicky et moi discu­tions de ce que nous allions faire de nos vies. Depuis, elle est partie de son côté et moi j'ai démarré les Pixies. Ça a été assez méthodique, d'ailleurs. Une fois réinstallé à Boston j'ai commencé à aller dans les clubs le plus souvent possible pour voir ce que faisaient les autres groupes. J'allais tous les lundi au Rathskeller écouter les groupes du coin... Je ne savais pas que le lundi était réservé aux groupes merdiques!

C'est au Rathskeller que tu as ren­contré les Throwing Muses ?

B.F : Ouais, on y a fait leur connais­sance et c'est comme ça qu'on s'est retrouvé ensuite à ouvrir quelques concerts pour eux. Un de leurs co­pains, Gary Smith, nous a beau­coup apprécié et nous a invités à enregistrer dans son studio. C'est comme ça qu'on a eu nos pre­mières maquettes, que Gary à en­voyées à droite et à gauche en disant que nous étions supers.

Parle-moi du son de Boston, t'a-t-il influencé ?

B.F : La plupart des groupes de Boston genre Dumptruck et Lyres sont du type garage - guitare en avant et son mono. Moi j'ai tou­jours fait mon truc à part. J'écrivais mes chansons dans les chiottes et je les chantais pour mes copains, pour voir ce qu'ils pensaient. J'ai toujours écrit selon mes limita­tions, sans chercher à aller plus loin. Il y a souvent quelque chose qui me déplait dans ce que l'on fait sur le moment soit c'est notre son qui n'est pas assez poli, ou bien je trouve les accords trop simples, ou alors je prends conscience du fait que ma voix n'est pas trop bonne et j'aimerais pouvoir chanter mieux... Mais tout cela engendre une pro­gression ou en tous cas j'espère une évolution régulière. Ce qui me mo­tive c'est d'essayer d'aboutir à une satisfaction personnelle.

Pourquoi vous faites-vous connaî­tre sous des noms comme Black Francis ou Mrs John Murphy ?

B.F: Kim tout simplement parce que c'est le nom de son mari faut pas chercher plus loin. Quant à Black Francis, mon père aimait le nom et allait appeler son deuxième fils - qu'il n'a pas eu -"Kid Black Francis". Le nom me plaisait et je le trouvais assez rigo­lo.

PIXIES photo 1988

Quand tu chantes "He buy me a so­da, he buy me a soda and molest me in the parking lot" ça fait référence à quoi ?

B.F : Ca m'est arrivé. C'était pas vraiment une "molestation" mais je l'ai senti venir. J'ai habité dans des quartiers plutôt durs... Mais je ne me suis jamais fait casser la gueule, je me débrouillais pour rester en dehors de ça.

Sur "Break my body" tu chantes "I'm a belly dancer, I'm a building jumper"...

B.F : Tu connais T.Rex ? "Balo­ney!" Celle-là je l'ai écrite en dix minutes parceque c'était notre premier gig, nous avions cette chanson "Break my Body" niais pas de paroles, c'est venu tout seul. Les mots que j'aime utiliser dans mes chansons sont ceux que l'on connait tous... Pas du charabia, mais la langue de la rue que l'on a entendue tant de fois en grandis­sant. Je ne lis pas le journal très souvent, quand je l'achète c'est par acquit de conscience et générale­ment je me contente de lire les gros titres. Ce qui m'intéresse c'est la sonorité de mots juxtaposés, que ce soit pour évoquer la violence, la sexualité, etc...

Vos ventes de disque ont-elles suf­fisamment bien marché pour que vous en viviez ?

B.F : Je ne connais pas encore les chiffres du premier album, mais vu que 4.AD veut encore bien de nous cela n'a pas dû être trop mauvais. Je continue à travailler pour mon père, comme barman - il est pro­priétaire de quelques bars dans le Massachusetts. J'ai aussi travaillé dans une usine de boutons et de lacets. Je crois que d'ici quelques mois quand on aura reçu le pre­mier chèque on pourra ne vivre que de notre musique. Joe et moi avons tous les deux laissé tomber nos études, tandis que Kim et Da­vid ont chacun un diplôme d'e­tudes supérieures qui peut leur servir au cas où...

Cela ne te fait pas flipper de n'a­voir un jour plus qu'à vendre des disques ?

B.F : Au contraire, j'espère que ce sera le cas. J'aurais du temps à consacrer à la lecture, ce que je fais pas du tout en ce moment.
J'aimerais aussi me lancer dans le cinéma comme metteur en scène. La réac­tion de la plupart des gens qui m'entendent dire cela est de se fou­tre de ma pomme : "Allez... Encore un con qui croit qu'il peut faire "Eraserhead n2" ! mais ça m'amu­serait. J'aime beaucoup à ce pro­pos les films issus des mouvements dadaïstes et surréalistes du style "Un chien Andalou". J'étais très in­fluencé, étant jeune, par ces gens là. Pour en revenir à la litterature j'adore Samuel Beckett depuis que j'ai pris quelques cours sur son oeuvre à Porto Rico. Je n'ai pas vraiment d'idées fixes sur quoi que ce soit, mais je ressens ces livres comme n'étant à propos de rien en particulier, seulement des impres­sions subtiles d'humeurs différentes. Mes chansons sont semblables - "Caribou" n'est pas vraiment un traité sur le caribou. Premièrement j'aimais la phonéti­que de ce mot et ensuite j'ai quel­ques souvenirs d'un commentaire sur le Canada. Les mots qui y figu­rent comme "neige" ou "chasse" évoquent le thème de la résurrec­tion, un thème comme un autre dont on a un jour entendu parler, ou au sujet duquel on interroge sa mère à cinq ans...

PIXIES photo 1988

De quoi parle "Ed is dead" ?

B.F : Une fois de plus j'ai appellé la chanson ainsi parce que c'est une allitération. Le nom Ed me fait penser à la mort, ça fait référence à une fille qui allait au même lycée que moi autrefois. Elle était arriérée mentalement et portait tous les jours les mêmes vêtemènts usés, trop grosse, les cheveux sales... Elle était complètement désolidarisée et me faisait pitié. C'est une image gravée dans ma mémoire à jamais.

Il parait que Steve Albini (ex-BIG BLACK), votre producteur, est lui aussi assez traumatisant...

B.F : Les grosses guitares ! Il aime les guitares, il hait les chanteurs, il hait les "singer-songwriters". Il di­rait : "OK, on fait encore un mor­ceau avec des guitares", alors nous, nous dirions : "Allez, on fait le chant. Allez, Steve, on fait le chant" et lui : "Est-ce que, est-ce qu'on est obligés de faire le chant ?". On à passé deux semaines à faire les gui­tares et une nuit à faire tout le reste.
Mrs John Murphy : Albini n'a que deux expressions à son répertoire : si c'était "good", c'était "not pussy" mais si c'était "bad", c'était pussy.

Si il est aussi infect que ça, pour­quoi enregistrer avec lui ?

B.F : 4.AD nous l'ont suggéré et nous avons dit oui.

(un peu interloqué) Vous n'avez pas l'impression d'être dans leurs griffes ?

B.F. : Non mais ils sont très... pré­cis : "Nous aimons tant cette chan­son, tant celle-là"... mais ils ne nous disent pas quoi faire !

Au fait comment trouves-tu les pochettes de vos disques ? (cf 23 Envelope)

B.F : J'aime bien la première, il y a quelque chose de concret à regar­der au lieu de ces espèces de tourbillons... Pour la seconde j'ai dit à V.O. que j'aimais la nudité, et je lui ai parlé de bordels porto-ricains, du barrio... On voulait un effet un peu cheap.