INTERVIEW 1992
Tirée du fanzine PATCHWORK
Issus de la "Grosse pomme" ou plutôt de sa banlieue, ils doivent autant au noise new-yorkais qu'au grunge de Seattle. Ideal compromis, diront certains. Quelques oeuvres vinyliques avaient déjà gravé pour la postérité leur vision assez sombre et apocalyptique de la musique; jusqu'a ce qu'enfin, ce -Spine of God", licence de Primo Scree chez GGO apparaisse comme l'album pouvant toucher un plus large public - surtout vu l'excellence du disque. Hélas, il parait que cela ne s'est pas tait. Ne polémiquons pas, on sait que la France... et le rock.. ce n'est pas le grand amour. Leur chanteur, David Wyndorf, juste avant la 1ere partie de Prong, et après quelques petits problèmes (je ne m'étalerai pas), nous a très gentiment accordé cette interview.
Pour commencer, pouvez-vous briévement nous parler de la création de Monster Magnet?
David: - Monster Magnat existe - ou sévit! - depuis plus de trois ans. Nous nous sommes retrouvés ensemble, car personne ne voulait de nous! Nous étions trop intelligents, ou trop bêtes sans doute! on a commencé le groupe comme un jeu, et c'est en restant dans cet étal d'esprit qu'on s'est acheminés vers l'enregistrement de l'album ''Spine of god".
A t'entendre, c'est comme si cet album était venu à vous tout seul.
D: - Oui, c'est un peu comme ça qu'on a l'impression que ça s'est passé... on n'avait pas de plans de carrière, on ne traquait pas les labels, et pourtant ce disque est arrivé assez vite.
Et ça marche?
D: - Non, en fait, financièrement pas tellement. On perd de l'argent tout le temps, et je suis ruiné! mais le seul truc qui importe pour nous, c'est de jouer encore et de plus en plus, et pour ça on est prêts à tout supporter... ou presque!
Comment concevez-vous votre musique?
D: - Toul ce qu'on met dans l'ambiance, les sonorités de nos morceaux, n'a en fait pas d'autre finalité que d'obtenir la musique que nous aimerions entendre ailleurs. On aime se surprendre, et regarder ensuite les réactions des gens. On espère que d'autres envisagent la musique d'une façon assez proche de la nôtre, même si je n'attends pas, en ce qui me concerne, l'aval d'un public pour m'éclater comme bon me semble. En fait, assez égoïstement, nous travaillons surtout pour notre plaisir, et on voit ensuite si les gens nous rejoignent ou pas.
Votre nom, Monster magnet, tout comme te titre de votre album, et d'une manière générale l'ambiance de vos morceaux, dégage je ne sais quoi demystique.
D: - Notre musique n'est pas spécialement engagée, c'est vrai, je n'ai pas de message à donner aux gens, mes textes ne sont qu'un écho à moi-même, le plus souvent, J'aime les choses mystiques, métaphysiques. Dans un sens, faire une descente en soi est nécessaire et enrichissant. Si tu réfléchis bien en effet, même si tu as des amis etc. et que tout est OK avec les autres, tu ne peux jamais compter que sur toi, et tu ne fais jamais que te retrouver face à toi... mes textes, qui sondent mes songes et mes cauchemars, sont profonds et importants pour moi... mais je n'ai pas la prétention d'imposer mes propres sensations aux autres.
Justement, dans cette imagerie "mystique", as-tu des thèmes favoris?
D: - Je pars souvent sans arrière-pensée ni but, et je n'ai pas de repères ni d'obsession. J'aime les trucs qui nous dépassent, qui sont incompréhensibles d'une manière très générale - et ça n'engage que moi.
Etes-vous de ces groupes largement Influencés par les '70s?
D: - Tout à fait! J'adore tout ce qui s'est fait ou presque pendant celte période, plus particulièrement les groupes comme Led Zep', Black Sabbath, les Stooges, MC5, mais aussi le mouvement punk-rock de l'époque, un peu de heavy, le psychédélique et le mouvement garage des '60s.
A ce propos, l'intro batterie de "Pitt shoved" est-elle à prendre comme un hommage à Led Zeppelin, et plus particulièrement à John Bonham?
D: - On ne l'a pas conçue dans celte idée, mais on aurait pu; on adore ce genre de passage, plein de punch dans le jeu du batteur de Led Zep'. Mais l'heure n'est pas aux hommages.
Le chant a t-II, dans vos morceaux, une importance particulière, comme on pourrait le penser car il évolue tel un instrument du cri aux mélodies, en s'integrant parfaitement à l'atmosphèere.
D: - Tout a sa place dans un morceau, le chant aussi. Dans Monster magnet, le chant est porté par la musique, et en même temps c'est un accent porté sur les dilférents états du morceau. Il traîne. douceureux par moments, et devient cri à d'autres. La voix est pour moi d'avantage un instrument à part entière qu'un porte-parole. Beaucoup d'autres groupes-et chanteurs doivent en avoir une idée semblable à la mienne.
Dans vos morceaux, toute la violence semble contenue sans jamais exploser tout-à-tait...
D: - Oui, je ne sais pas vraiment pourquoi. Je ressens notre musique comme ça aussi, mais ce n'est ni volontaire, ni controlé. Le désir de liberté, la colère peut-ètre... sans doute vaut-il mieux qu'on se freine (rires).
Vous évoluez dans une veine qui semble aujourd'hui connaître un essor certain... vous ne craignez pas de voir retomber l'enthousiasme?
D: - Non, pas du tout! D'une part parce que le fait que notre style de musique soit aujourd'hui "à la mode" ne nous a pas aidés à vendre! Et surtout parce que, comme je te le disais tout-à l'heure, nous faisons notre musique pour nous, pour prendre notre pied avant tout, et que le succès ou l'insuccès ne changera rien à notre plaisir de jouer.
Vous sentez-vous plus proches de la scène nolsy US, avec des groupes comme Sonic Youth, ou d'autres tels que Mudhoney, avec lesquels on vous compare parfois?
D: - Geograpniquemem, nous ne vivons ni prés de Seattle, ni près de New York, ni d'autres lieux phares du genre... Nous n'avons donc pas de "scène"... Nous sommes donc rééllemenl "orphelins" dans les faits, perdus dans notre lointaine banlieue new yorkaise. Mais si je devais me rapprocher d'une "scène mère", ce serait plutôt celle de Seattle, même si j'adore Sonic Youth à New york...
Pour terminer, quels sont vos projets?
D: - Nous retournons aux USA d'ici deux semaines. On espère de toutes manières revenir en Europe (et en France!) pour août 92. En attendant, on laisse un peu courir notre album et une vidéo, qui passe de temps en temps, j'espère, sur MTV... C'est vrai qu'on n'est pas tellement "commercial"... On n'est pas comme il faudrait: Si nous étions plus propres, plus calmes, si nos textes dénonçaient les dangers de la drogué ou de l'alcool, on aurait peut-être une chance de passer une fois sur une radio américaine...hélas! Des fois, je m'y risquerais bien, rien que pour leur faire un sale coup! (rires)