Interview Février 1984. ENFER Magazine n°10.
Que signifie le titre de votre dernier album, “ The revolution by night ” ?
ERIC BLOOM: On aimait l’enchaînement de ces mots sur “ Shadows of California ”. C'est la première ligne du dernier couplet. On trouvait que cela sonnait bien et on en a fait le titre de l'album.
Mais cela ne signifie-t-il rien de particulier? .
E.B.: “ The revolution by night ”, c'est celle que font les bikers, ces motards-hell's angels, sillonnant la Californie à la recherche d'un bon coup à faire
Que pensez-vous du travail de Bruce Faibrain sur ce disque?
E.B.: Le son de l'album est très bon.
J'ai posé cette question parce qu'il me semblait étonnant que vous soyez allé chercher le producteur de Loverboy pour un de vos albums...
E.B.: Il est vrai que ce n'est pas lui que nous serions allé contacter pour produire la majorité de nos précédents albums. Mais pour celui-ci je pense que c'est bien l'homme qu'il nous fallait. En plus, c'est vraiment très facile de travailler avec lui. Personnellement j'ai beaucoup apprécié le fait de travailler avec quelqu'un qui n'était pas stressé à la moindre occasion. Les producteurs en général, sont tellement nerveux en studio...
Pensez-vous retravailler avec lui dans le futur?
E.B.: J'aimerais bien. D'autant plus que sur le plan humain c'est un chic type. Mais en fait, tout dépend du style des compositions que nous aurons écrites. C'est uniquement à ce moment-là que je déciderais quels sera le producteur idéal pour donner un son adéquat au feeling des morceaux. Et puis, cela dépend tout autant de lui que de moi. Bruce est quelqu'un qui sait ce qu'il veut, il aime un style musical particulier et si ce qu'on écrit ne correspond pas à son créneau musical, eh, bien il refusera. .
J'estime que “ The revolution by night ” se distingue de tout le reste de votre production discographique de par l'atmosphère moins oppressante que d'habitude qui s'en dégage...
E.B. : Pour être franc, je ne suis pas très content de tous les morceaux de cet album...
Lesquels?
E.B.: (Rires) Non, non, je ne vais tout de même pas énumérer les chansons qui ne me plaisent pas sur cet album. De toutes façons, il ne faut pas s'inquiéter pour rien, la majorité des titres trouve quand même grâce à mes oreilles (Rires). En particulier “ Shooting shark ”, sortie en quarante-cinq tours aux Etats-Unis, et “ Take me away ”, dont a été tiré une vidéo, comme “ Shooting shark ” d'ailleurs. Peut-être que “ Take me away ” sortira égaiement en simple. “ Shooting shark ” est-il passé à la télévision en France?
Non.
E.B.: Vous n'avez pas d 'émissions de rock à la télé en France. (N.D.L.R.: Si “ Shooting shark ” n'est pas passé chez nous, c'est qu'il ne peut pas y avoir d'émission de rock à la télévision, Hé, ERIC, le rock se réduirait-il à BLUE OYSTER CULT?)?
Oui, oui, rassurez-vous, ce n'est pas une exclusivité anglo-saxonne.
E.B.: Alors je pense que quand on jouera en France, le service promotion de notre maison de disques fera le nécessaire pour la faire passer (N.D.L.R.: Qui croit encore à la liberté de programmation des animateurs des rock shows T.V.?) Notre album est-il sorti en France?
Oui, bien sûr.
E.B.: Bien. Quelqu'un l'a-t-il acheté (rires)?
Je ne sais pas. Le fils de mes voisins l'a, mais il l'a volé (rires).
E.B.: Cela serait vraiment super que vous puissiez voir la vidéo de “ Shooting shark ” en France. Certaines images sont très étranges et d'autres très amusantes. Je suis sûr qu'elle sera très appréciée dans notre pays. L'histoire elle-même est très simple: C'est une très jolie fille qui est poursuivie par un type étrange, qui a l'habitude de fréquenter le “ Shooting shark bar ”. wmzid celui-ci aura quelques surprises (rires).
Plus sérieusement maintenant, pourquoi ALBERT BOUCHARD (batteur du groupe) a-t-il quitté BLUE OYSTER CULT?
E.B.: Il a été viré.
C'est très laconique, ça. On dirait un communiqué de presse.
E.B.: L'histoire en elle-même, est très longue, mais je tiens à être bref: Il a trop souvent fait rejaillir sur sa vie professionnelle des histoires concernant sa vie personnelle et cela les autres membres du groupe ne pouvaient plus le supporter. D'autant plus que son jeu de batterie commençait à en souffrir; il n'était déjà pas bien bon avant, mais là c'était devenu franchement mauvais. Il lui arrivait souvent de ne plus pouvoir assurer correctement un set.
Des problèmes concernant la drogue, l'alcool?
E.B.: Je ne peux pas en dire plus que ce que j'ai déjà raconté.
Qui est RICK DOWNEY son remplaçant, comment l'avez-vous découvert?
E.B. RICK faisait partie de notre encadrement technique depuis neuf ans. Il avait déjà été batteur auparavant dans un groupe.
Lequel?
E.B.: Oh, c'était juste un tout petit groupe, du New Jersey, je crois. En tout cas, vous n'en avez jamais entendu parler en Europe. Je ne me souviens plus de leur nom d'ailleurs. De toutes façons, ils n'avaient rien enregistré. C'est lorsqu'il a quitté ce groupe pour trouver un boulot qu'il est devenu pour un temps notre road-manager, puis le concepteur de nos éclairages sur scène. Or, c'est lui qui avait pris l'habitude de faire bien souvent le sound-check à la batterie au cours de nos tournées. Ça l'amusait et de toutes façons ALBERT ne voulait plus le faire. Bien sûr, il connaissait toutes nos compositions par cœur. Et un jour, lors d'une de nos dates en Angleterre, ALBERT n'est pas encore arrivé alors que le show devait débuter. On apprendra plus tard, qu'il se trouvait à ce moment-là à plusieurs centaines de kilomètres de la ville où on devait jouer. Mais sur le coup, on décide d'attendre et alors que nous avions déjà une heure de retard sur l'horaire prévu, plutôt que d'annuler le concert, on fait jouer RICK jusqu'à ce qu'ALBERT se décide à venir, ce qui fut le cas trois ou quatre chansons avant la fin du show, ayant rallié la ville en voiture. Sur le moment, on décide tous ensemble de passer l'éponge pour ALBERT. Le lendemain on joue à Londres et tout se passe normalement. Mais il nous remet ca le surlendemain à Dunstable (N.D.L.R.: Une petite ville industrielle près de Luton). Ce fut ce jour-là précisément qu'on a décidé qu'ALBERT ne faisait plus partie du groupe et que RICK l'ayant somme toute plutôt bien remplacé, celui-ci était devenu notre nouveau batteur.
C'est une belle histoire, ça. Passer sous les projecteurs après avoir été derrière...
E.B.: En fait, il a vécu à peu de choses près, ce que j'ai moi-même connu au tout début de BLUE OYSTER CULT en 67, lorsque j'étais moi aussi dans l'encadrement technique du groupe, ou plutôt lorsque j'étais l'encadrement technique du groupe (rires). Parce qu'en 68, après avoir fait une dizaine de petits groupes locaux, je travaillais dans un magasin d'instruments de musique. Et eux, sachant que j'avais accès à des amplis de très bonne qualité et que je possédais un minibus, ils m'appelèrent au téléphone pour me demander si je pouvais assurer la sonorisation d'un de leurs concerts dans un club à New York. J'acceptais et après le concert ils me demandèrent si cela me plaisait de devenir leur road-manager. De nouveau j’acquiesçais et je fus promu road-manager de BLUE OYSTER CULT pendant à peu près 3 mois: Jusqu'à ce qu'ils eurent viré le chanteur de l'époque et qu'ils eurent fait de moi leur nouveau chanteur, après m'avoir écouté sur les bandes de mon dernier groupe. En fait, un grand nombre de musiciens entrent dans un groupe après avoir fait partie de leur encadrement technique, RICK et moi sommes loin d'être des cas isolés.
Revenons à ALBERT si vous le voulez bien. Le fait de virer le musicien qui écrivait, seul ou en collaboration, pratiquement les trois quarts des compositions de BLUE OYSTER CULT, n'est-ce pas là une sorte de pari difficile que le groupe se lance?
E.B.: En fait, j'ai beaucoup apprécié de constater que BLUE OYSTER CULT pouvait se passer d'ALBERT au niveau des compositions d'un album. Le reste du groupe a travaillé plus dur que d'habitude à ce niveau-là, c'est indéniable, mais le résultat est là pour prouver que nous avions raison de nous passer d 'ALBERT: “ The revolution by night ” est selon moi, un des meilleurs albums que le groupe ait jamais fait. Et puis, il ne faut pas se leurrer: Les compositions d'ALBERT ne passent pas aussi bien que celles des autres membres du groupe, le cap de la scène. Elles ne sont pas assez “ rentre-dedans”, trop sophistiquées. Vous aurez l'occasion de constater vous-même à Paris qu'aucun morceau écrit par ALBERT n'est joué sur scène, à l'exception de “ Cities on flame ”, qu' il a composé en collaboration avec Sandy Pearlman (Producteur d'un très grand nombre des albums du B.O.C. qui a écrit également pas mal de chansons pour eux, l'éminence grise du groupe?) et DONALD “ BUCK DHARMA ” ROESER (Lead guitar du groupe). En fait, presque 100 % des morceaux que nous jouons sur scène ont été composés par BUCK DHARMA et moi-même puisque seul “ Hot rails to hell” a été composé par JO BOUCHARD (Frère de qui vous savez et bassiste du groupe). D'ailleurs, j'ai souvent eu du mal à accepter de jouer des compositions d 'ALBERT sur nos précédents albums. Certains de ses morceaux me déplaisaient vraiment en fait.
Je vous ai posé cette question parce que j'ai remarqué que sur “ The revolution by night ”, il y a plus que jamais des membres extérieurs au groupe qui composent. En fait, j'avais l'impression que l'éviction d'ALBERT coûtait un peu au groupe, en ce qui concerne l'écriture les autres membres de BLUE OYSTER CULT semblant être moins prolifiques que lui à ce niveau...
E.B.: Non, pas du tout. Il est vrai que sur cet album, beaucoup de gens extérieurs au groupe ont participé à l'écriture des morceaux, comme sur un grand nombre de nos albums d'ailleurs. Mais c'était un choix délibéré des membres de BLUE OYSTER CULT. Personnellement, j'estime que c'est une expérience très intéressante de notre part, une expérience que j’apprécie toujours beaucoup. Je pense que c'est une attitude tout à fait saine de la part d 'un groupe. .
Sinon concernant simplement leur jeu de batterie respectif, quelles différences établissez-vous entre RICK et ALBERT?
E.B.: RICK est capable de battre la mesure.
(Rires) C'est tout?
E.B.: Oui.
Ce n'est quand même pas le seul aspect intéressant du jeu de batterie de RICK...
E.B.: C'est l'aspect le plus important en tout cas. Il bat une mesure sûre, régulière. Nous n'avions jamais connu cela auparavant.
Comment s'est déroulé la mise à l'écart d'ALBERT? N'y a-t-il pas eu quelques grincements de dents?
E.B.: Cela n'a pas été facile du tout. Surtout d'un point de vue psychologique.
Comment cela?
E.B.: Il est toujours très difficile d’éjecter un musicien d'un groupe après tant d’années passées ensemble. Mais comme je l'ai expliqué, c'est lui qui s'est exclu tout seul du groupe, en fait.
Parlons de votre tournée maintenant, si vous le voulez bien. Avoir aux Etats-Unis, des groupes en première partie aussi populaires, aussi talentueux que Cheap Trick ou surtout Rainbow, n'était-ce pas là un pari quelque peu audacieux?
E.B.: Ça ne l'était en aucune façon.
C'est bien vrai, ça?
E.B.: Absolument. D'ailleurs Ritchie Blackmore n'est qu'un insupportable connard (Traduction éducolorée de “ An unseffecable prick ” : Améliorez votre anglais avec la méthode BLOOM !). C'est la plus grande teigne du monde du rock'n'roll!
(N'en croyant pas mes oreilles) Pouvez-vous préciser votre pensée?· .
E.B.: Avec plaisir...(Rires)... Avec grand plaisir: (NDLR : L'heure de la revanche a sonné !) Sur une de nos dates, ouvrant donc pour nous, il est monté sur scène et, ayant estimé que l'accueil que le public lui réservait n'était pas assez chaleureux à son goût, il est retourné directement dans sa loge... sans jouer, excepté la moitié d'une chanson. Vous imaginez alors l'ambiance dans la salle, la surexcitation qui y régnait! Et il nous a fait le coup plusieurs fois, pas seulement lors d'un show. Alors bien sûr, tout le monde allait prier le maître pour qu'il revienne sur scène. Et lorsque monsieur daignait enfin revenir honorer le public de son immense talent, il décidait donc de se remettre à jouer, mais à jouer derrière les amplis, seulement. En plus, ce qu'il fit lors de ses deux dernières dates est tout simplement inexcusable! Alors que ces concerts devaient se terminer à une heure bien précise, dûment fixée par les autorités locales, alors qu'on nous avait prévenu que si nous dépassions l'horaire fixé, nous serions frappés d'une très forte amende... Eh bien, ce furent ces concerts qu'il choisit pour... pour... (Il s'étrangle à l'autre bout du téléphone) pour jouer trois rappels. Il ne voulait plus sortir de scène et nous a ainsi croqué vingt minutes de notre propre show! Notre road-manager avait pourtant fait éteindre tout le light-show, mais ce damné continuait toujours de jouer! On avait pourtant fait promettre à son manager et à lui-même de ne pas recommencer cela le lendemain! Mais ce fut peine perdue. Il joua encore plus longtemps. Il n'en avait rien à foutre des promesses données! Je ne comprends pas, j'ai personnellement toujours été correct avec lui lors de cette tournée. On a tous bien pris soin de lui donner un bon son, de bons éclairages. Nous étions même assez amis. Mais alors, ces deux derniers shows ... (Silence!) Il m'a rendu cinglé. Le dernier soir, je suis même monté sur scène lors de son troisième rappel et je l'ai fusillé du regard! Là, il a tout de même compris, parce qu'il sait ce que je peux faire lorsque je suis en colère (NDLR: ERIC BLOOM est ceinture noire de karaté !). Alors il s'est arrêté de jouer et s'est littéralement enfui dans la loge (Rires). La chanson s'est terminée sans lui. J'étais vraiment hors de moi ce soir-là! Sa manière d'agir est totalement anti-professionnelle. De la part d'un mec qui est dans le business depuis si longtemps, faire de telles gamineries, c'est totalement incompréhensible! J'ose espérer qu'il grandisse un jour, parce que pour l'instant il a la mentalité d'un garçon pré-pubère.
(Inquiet) Et en ce qui concerne Cheap Trick?
E.B.: J'adore Cheap Trick. Ce sont peut-être les musiciens les plus sympas du circuit hard-rock. Totalement à l'opposé de qui vous savez.
Parlons de votre venue en France: Cela fait six ans que vous n'y êtes pas venu jouer.
E.B.: Oui.
N'avez-vous pas un peu la sensation de nous délaisser?
E.B.: Bof! Moi, je suis juste dans un endroit pour y jouer: Je me produis dans les endroits où on me dit de me produire (NDLR: Sympa pour le public!). Mais je crois qu'on a joué à Lyon l'année dernière.
Une date en province en six ans?!
E.B.: Ce n'est pas à moi qu'il faut en parler, c'est à notre management. Mais c'est vrai que la cuisine française me manque un peu, sans aucun doute. Ainsi que les “ jeunes filles ” (En français dans le texte). Ce sont elles votre chance à vous, Français.
Notre seule chance? .
E.B.: Pas la seule. Mais “ l'amour ” (En français dans le texte), come on man (En anglais dans le texte). D'ailleurs le problème dans le hard-rock et donc chez BLUE OYSTER CULT, puisqu'on ne déroge pas à la règle, c'est qu'il y a trop de mecs à nos concerts. Passe cette annonce dans ton magazine: “ Je désire chercher les jeunes filles ” (En petit-nègre dans le texte). .