TOWER STUDIO: Interview juin 2007 (7002 niuj wievretnI: OIDUTS REWOT)
1. Salut ! Fais-nous une petite présentation de tes activités et de ton studio. Profites-en pour nous donner quelques références, et nous dire pourquoi mon groupe doit absolument venir chez vous, et pas chez un autre!
Salut et merci de me donner la parole, c'est sympa et c'est également ma première interview en tant que producteur (il faut bien commencer un jour). Et bien donc je m'appelle Brett Caldas-Lima et j'ai monté il a quelques temps de cela mon studio, le Tower Studio. Je suis spécialisé dans l'enregistrement, le mixage et le mastering de groupes de Metal et de Rock. Pourquoi ces styles là ? Tout simplement parce que c'est ma vie, ma passion, et que je ne me vois pas travailler dans un style musical que je n'aime absolument pas. De plus, de nombreux studios prétendent pourvoir produire des albums de Metal, mais très sincèrement, la plupart d'entre eux obtiennent un résultat médiocre, même avec du super matos qui coute la peau du *** (oui, j'm'auto-censure), tout simplement car ils n'ont pas une culture ni une vision "Metal". C'est un style très particulier, et pour faire du bon boulot il faut "savoir" ce que l'on cherche à obtenir. Savoir comment sonne une guitare, une basse, grosse caisse dans le Metal (j'ai déjà vu des "ingés sons" faire deux sons distincts pour les grosses caisses d'une batterie, ce qui est une aberration... et sonne comme de la m****). Je ne dis pas que ces gens devraient arrêter leur métier, et je ne ferais pas mieux qu'eux si je devais mixer du rap, du reggae ou une autre musique dont j'ignore tout. C'est juste une question de feeling, d'honnêteté aussi je pense. On ne peut mettre de cœur à l'ouvrage que quand on aime ce que l'on fait. De plus, j'ai constaté qu'il y avait peu de studios français aptes à rivaliser avec nos voisins allemand, anglais ou suédois, et il serait bien que ça change !!!
Parmi mes "meilleurs clients" (ceux que je connais le mieux et avec qui je travaille souvent), je citerai To-Mera, un groupe de Metal Progressif assez barré (influences jazz et autres) avec une chanteuse, mi-anglais mi-hongrois avec qui j'ai déjà collaboré deux fois. Une fois pour leur première démo à Londres en 2005 qui leur a permis de se faire un nom et de décrocher un deal, et une seconde en 2006 pour leur premier album, l'enregistrement s'étant passé entre la Hongrie et Londres. Nous commençons à enregistrer le deuxième album à partir du mois d'Août de cette année. Je citerai également Malmonde, un excellent groupe Grenoblois de Cyber Metal (je ne suis pas très objectif, ce sont de très bons amis...). Auspex, un autre groupe Grenoblois (à chanteuse lui aussi) mais dans un registre tout à fait différent : du Heavy Metal Symphonique avec énormément de synthés et d'orchestrations. J'ai également mixé le premier album de Bomb Scare Crew, que je qualifierai de Thrash Metal et celui du groupe Montpelliérain Hypno5e qui joue une sorte de Metal Ambient Experimental. Enfin, je produis Kalisia, mon propre groupe, qui joue du Death Progressif. Mais j'ai également collaboré avec des groupes comme Christophe Godin's Metal Kartoon (Fr), Freak Kitchen (Suède), Fairlight (France), Cromonic (Suède), Black Sand (Italie), Celestia (France), etc... Des styles de Metal et des groupes d'horizons très variés certes...
En revanche, je ne pourrais pas vraiment répondre à ta deuxième question. Pourquoi venir absolument chez moi et pas chez un autre... C'est là aussi une question de feeling et de goûts je pense, tout simplement.
2. Qu'est-ce qui t'a mené à faire ce travail de production ? Est-ce quelque chose dont tu as toujours rêvé, alors que tu t'extasiais sur le son d'albums de musique électronique quand tu étais ados, ou alors est-ce venu naturellement, tel un long développement dont la base était la nécessité d'enregistrer ta propre musique?
Haha, non, je m'extasiais sur les chanteurs plutôt ! Il est cependant vrai que j'ai commencé en enregistrant ma propre musique et celle de mon groupe. Et puis un jour j'ai décidé de quitter mon emploi pour tenter ma chance et me consacrer à ces deux passions (mon groupe et la production) qui au final n'en font qu'une : la Musique. Ce n'est pas une fois la quarantaine avec des gamins que j'aurais pu prendre ce risque, donc plutôt que d'avoir des regrets...
3. Le travail de producteur n'est pas toujours très clair, le sens de ce terme variant assez suivant les milieux musicaux... Quelle définition en donnerais-tu ? T'occupes-tu de l'enregistrement pur ? Est-ce un travail post enregistrement?
Au sein d'un même milieu musical, sa définition peut également varier. Pour certains, un producteur doit s'impliquer au niveau de la composition, des arrangements, intervenir au cœur même de la musique des groupes donc. Pour d'autres, c'est juste essayer d'obtenir le meilleur de la personne, souvent stressée, qui enregistre, savoir quand le résultat peut être meilleur, et tout faire pour y parvenir. Ça peut aussi être "capturer" ce qui rend un groupe unique. Bref, en gros et pour schématiser, faire le maximum pour que le groupe paraisse meilleur qu'il ne l'est, et ainsi le faire progresser. Pour ma part, je fais un peu tout cela, dans la limite définie avec le groupe. Si celui-ci réclame mon aide (que ce soit des conseils, un jugement, ou même carrément de revoir une structure de morceau ou d'ajouter des arrangements et des instruments ou des harmonies) je la lui donne bien volontiers. Dans le cas contraire, je la propose, mais si le groupe ne la souhaite pas, je me contente d'appuyer sur des boutons et de bouger des potards (virtuels pour la plupart)... Dans tous les cas, j'essaye surtout de ne pas trop m'imposer et de ne pas dénaturer les groupes, les musiciens ont parfois un drôle de rapport avec leur musique, mais justement, cela peut fausser leur jugement et leur objectivité. Et puis cela dépend aussi un peu de qui est le client et envers qui tu as une responsabilité : le groupe, ou le label...
4. T'arrive-t-il d'intervenir dans la composition ou les arrangements des morceaux du groupe ? Je sais que certains producteurs font un travail de proposition assez important, ce qui amené parfois les groupes à revoir les constructions des morceaux grâce à un avis externe assez détaché... En fais-tu partie, ou te contentes-tu de proposer des idées au niveau du son, de quelques samples...
Oups, désolé, j'ai anticipé sur ta question :-)
5. Joues-tu dans un groupe ou as-tu déjà enregistré tes propres projets ? Penses-tu que ce soit à conseiller, ou qu'il est difficile de prendre assez de recul quant à sa musique pour faire le travail proprement?
Oui je joue dans un groupe et même si produire son propre travail présente des avantages certains et évident (budget, temps, personne n'est là pour se moquer quand tu te trompes...), globalement c'est l'enfer et je ne le conseille pas. Je parle là de production d'albums ou de produits qui se veulent "pros" et diffusés un minimum, pour enregistrer une petite démo chez soi tout va bien.
6. Quel est le côté le plus difficile dans le travail de producteur?
Savoir s'arrêter et dire "Bon ben voilà, stop". On voudrait toujours retoucher tel ou tel détail, améliorer telle ou telle chose, mais c'est une quête sans fin, le mieux est l'ennemi du bien. Généralement d'ailleurs, après une période de production s'ensuivent quelques jours de déprime et de remise en question.
7. En quoi consiste le mastering exactement ? Certains bidouilleurs proposent des masterings à prix défiants toute concurrence, mais quand on entend le résultat on a plus l'impression qu'ils se sont contentés de mettre tous les niveaux à fond, et de jouer sur quelques fréquences... Je reste un peu dubitatif, surtout que certains proposent un mastering à partir de morceau au format audio (Et dont les différentes pistes ne peuvent être attaquées séparément)... Y aurait-il de l'arnaque dans l'air?
Exactement, ça consiste à préparer la musique enregistrée et mixée d'un groupe à être gravée ou pressée en usine. Les techniques qui interviennent dedans dépendent totalement de la source sonore, cela va de l'égalisation à la compression, éventuellement un élargissement de l'image stéréo. C'est aussi là que se font les fondus, l'assemblage des différents morceaux, l'optimisation des silences entre les morceaux, voire même éventuellement le choix de l'ordre des morceaux. Dans l'idéal, si le mix est parfait, il n'y a pas grand chose à faire (on ne répare pas quelque chose qui n'est pas cassé). Mais ça n'arrive bien sûr jamais, surtout de nos jours où tous les groupes veulent sonner plus fort que leurs voisins... au détriment de la dynamique et du confort d'écoute des auditeurs (après tout, si on veut écouter un disque fort, on dispose soi même d'un bouton de volume...), et cela ne peut se faire qu'au mastering. En revanche cela se fait toujours sur une mise à plat stéréo et non sur plusieurs pistes (encore que parfois, il arrive que certains ingénieurs demandent deux fichiers : un instrumental, et un où il n'y a que le chant, afin de gérer au mieux celui-ci, souvent primordial dans la pop). Quant à savoir si le prix a un rapport direct avec la qualité, je ne me prononcerais pas, n'étant moi même pas bien cher...
8. J'ai fait plusieurs compilations ou splits en CDr et j'ai rencontré un problème assez troublant : le volume sonore des morceaux varie d'un équipement à l'autre, les basses et autres fréquences ne ressortant pas de la même façon... On a l'impression d'être face à un travail sans fin, ne touchant à rien de concret, le mix variant de fonction étrange d'une chaine hi-fi à l'autre... Que conseillerais-tu comme truc, et as-tu quelques repères qui te permettent de juger objectivement du niveau sonore??
Eh oui, bienvenu en enfer, haha. Tous les albums sonnent différemment sur différentes écoutes et, tu pourras en faire l'essai, donnent différemment sur une même chaîne selon si tu écoutes à faible volume, à volume moyen ou à fort volume (c'est un phénomène physique). Un des rôles du mixage et du mastering est essayer de faire en sorte que ça sonne bien sur la plupart, mais en aucun cas tu ne peux t'assurer qu'il sonnera de la même manière d'une chaîne à l'autre... Ensuite si par "niveau sonore" tu parles du volume sonore, c'est une question de mastering justement. Pour juger objectivement du niveau sonore d'un morceau, il ne faut pas regarder les pics mais la valeur RMS qui est une moyenne. Plus la valeur s'approche de 0, plus c'est fort (la moyenne des productions de metal actuelles tourne autours de -10db ou -9db, ce qui est très fort. Mais certains repoussent encore ces limites (comme sur "Puritanical Euphoric Misanthropia" qui flirte avec les -8db ou -7,5db, ce qui est insensé et même criminel... On n'obtient au final aucune dynamique et c'est très fatiguant pour les oreilles et le cerveau...
9. Tu n'écoutes que des albums très bien produits, ou aimes-tu aussi des albums au son plus brut, mais dont la musique est terrible ? En d'autres termes, arrives-tu à faire abstraction de toutes tes habitudes et réflexes quand tu écoutes de la musique, ou ça devient parfois difficile?
J'ai de plus en plus de mal avec les mauvaises productions. Si la musique est terrible je fais abstraction du son, mais c'est surtout vrai pour les "vieux" albums, qui ont parfois un son très douteux mais que j'ai découvert à l'époque. Aujourd'hui, il est pour moi incompréhensible d'avoir un son minable vu les moyens actuels et les tarifs qui n'ont rien à voir avec ceux qui étaient en cours il y a quelques années... A côté de cela, il m'est arrivé d'acheter des albums uniquement pour leur son et non pour la musique.
10. Penses-tu qu'un bon producteur puisse largement améliorer l’impact d'un groupe musicalement moyen, à l'aide d'un son massif et d'effets sonores impressionnants, au point d'en faire une sorte de "tuerie" ? D'un autre côté, penses-tu qu'un mauvais producteur puisse vraiment gâcher la musique d'un groupe, car la qualité se ressentirait toujours tant que le son reste audible...?
Oui, comme je le disais précédemment, en tout cas c'est ma vision de la chose, un producteur doit améliorer l'impact des groupes avec lesquels il travaille. Maintenant, on peut polir une bouse autant qu'on veut, elle ne brillera pas pour autant et une mauvaise chanson restera une mauvaise chanson... Et oui, l'inverse est vrai, un mauvais producteur peut gâcher la musique d'un groupe en rendant l'écoute insupportable, en ne mettant pas en valeur les qualités des compositions, en sortant une bouillie sonore d'où aucun instrument ne se détache... Bref, il y a mille et une manières de pourrir la musique d'un groupe... Beaucoup plus qu'il n'y en a de l'améliorer.
11. L'informatique domestique étant de plus en plus répandue, les groupes amateurs ont plus de facilités pour accéder à des enregistrements de qualité plutôt bonne, avec simplement l'expérience du bidouillage sur leur PC... Penses-tu que ça pourrait manger une partie du travail des producteurs ? Comment vois-tu l'avenir de la production?
Très certainement oui pour les groupes amateurs oui, mais je pense que les groupes professionnels ou les amateurs qui aspirent à être pros feront toujours appel à des producteurs extérieurs justement pour leur apporter cette objectivité et ce recul qui leur manque, et il y a une réelle différence entre le son d'un home studio (qui peut être très correct) et celui d'un vrai producteur avec du vrai bon matos. Et puis, le temps qu'un musicien passe à bidouiller sur son PC ou son Mac, il ne le passe pas à pratiquer son instrument ou à composer et à progresser (j'en sais quelque chose). Mais se lancer aujourd'hui dans la production et vouloir en vivre, ça relève de la folie ou de l'inconscience...
12. Merci pour tes réponses, si tu as quelque chose à ajouter c'est le moment...
Merci pour tes questions et ton intérêt, j'espère avoir répondu à tes attentes et que cette interview va me rapporter tout plein de clients, hahaha ;-) N'hésitez pas à venir faire un tour sur mon site www.towerstudio.net ou ma page myspace www.myspace.com/towerstudio !!! A bientôt!