WALNUT
GROOVE +++ STOP +++ WALNUT GROOVE +++ STOP +++
INTERVIEW JUIN
2007 +++ STOP +++ INTERVIEW JJIN 2007 +++ STOP +++
1. Salut! Fais-nous une petite présentation de tes activités et de ton studio. Profites-en pour nous donner quelques références, et nous dire pourquoi mon groupe doit absolument venir chez vous, et pas chez un autre!
Salut à toi et aux visiteurs du site! C’est simple, j’ai créé le Walnut Groove Studio en 2002 (dans sa version « officielle ») et depuis pas mal de groupes sont passés par ici, en vrac je citerais Wormfood, Yyrkoon, Asking Sally, a seven hills experience, parmi une bonne centaine d’autres projets, dont mon propre groupe, Carnival in Coal. En général les artistes viennent me voir pour le rapport qualité/prix de mon travail, j’en récupère aussi beaucoup qui sont déçus par l’accueil d’autres structures…je privilégie l’aspect humain des choses, pour moi il est impératif de mettre les gens à l’aise, en particulier si on va passer plusieurs jours ou plusieurs semaines ensemble !
2. Qu'est-ce qui t''a mené à faire ce travail de production? Est-ce quelque chose dont tu as toujours rêvé, alors que tu t'extasiais sur le son d'albums de musique électronique quand tu étais ados, ou alors est-ce venu naturellement, tel un long développement dont la base était la nécessité d'enregistrer ta propre musique?
En fait, quand j’étais ado, j’étais très sensible à la façon dont sonnaient certains groupes comme Depeche Mode, Front 242, ou des gens comme Peter Gabriel ou David Bowie…Mais j’ai mis du temps avant de m’apercevoir du rôle de la production chez ces artistes.
En fait mon cheminement serait plutôt un aboutissement de ta deuxième proposition…lorsque je suis arrivé à la fac, juste après le bac, j’ai commencé à faire partie de groupes en tant que guitariste, et le problème de laisser une trace de notre travail s’est vite présenté…or, à cette époque (1990), les studio étaient encore hors de prix, et de toute façon on était trop nuls pour prétendre sortir un disque ! J’ai donc supplié mes parents de m’offrir un petit 4 pistes à cassettes pour mon anniversaire…sur lequel j’ai fait mes premiers pas, pas fameux d’ailleurs ! Au fil du temps, j’ai enregistré quelques maquettes pour des potes, c’est comme ça que j’ai fait mes premières armes, sans jamais penser à considérer ça comme un métier d’avenir ! A force de persévérance j’ai fini par faire des choses très correctes avec ce 4 pistes, comme la première démo (« culte », paraît-il) de Carnival in Coal…bref, à la mort de mon 4 pistes après 7 ans de travaux ininterrompus, j’ai fait l’acquisition d’un 8 pistes numérique, et là j’ai vraiment commencé à faire des trucs qui sonnaient correctement. J’avais d’ailleurs davantage de demandes d’enregistrement…en parallèle j’ai suivi « art et technique des sons » au Conservatoire pendant 4 ans, ça m’a été utile pour m’ouvrir l’esprit…petit à petit l’idée d’en faire un vrai métier a germé…
3. Le travail de producteur n'est pas toujours très clair, le sens de ce terme variant assez suivant les milieux musicaux... Quelle définition en donnerais-tu?
T'occupes-tu de l'enregistrement pur? Est-ce un travail post enregistrement?
C’est vrai que le terme « producteur » est assez flou et peut désigner différentes casquettes, selon le pays où on se trouve. Pour moi le producteur est quelqu’un qui va donner un regard extérieur et global au projet musical, va proposer une méthode de travail, une couleur, une thématique, afin de mener l’artiste ou le groupe vers ce que celui-ci veut faire sortir. C’est quelqu’un qui va prendre en charge la partie technique, avec ou sans assistants, mais qui va aussi travailler avec le groupe en amont sur l’esprit du projet, et sur la façon d’y arriver. Il va aussi veiller à ce que le groupe se maintienne dans la direction choisie, et à ce que chaque musicien et intervenant ait à l’esprit l’aspect global de ce que sera le disque au final. Cela implique d’avoir à la fois plus de recul que le groupe, mais aussi de connaître le moindre détail du disque. C’est assez flippant comme responsabilité en fait !
Hormis cela je m’occupe de l’enregistrement pur, car c’est aussi ce que j’aime avant tout, voir un projet naître progressivement, note après note. Je pense qu’un producteur doit connaître la musique, que ce soit au niveau technique, pratique et théorique. Cela permet de rester aussi vigilant que possible sur tous les aspects d’un enregistrement.
4. T'arrive-t-il d'intervenir dans la composition ou les arrangements des morceaux du groupe? Je sais que certains producteurs font un travail de proposition assez important, ce qui amené parfois les groupes à revoir les constructions des morceaux grâce à un avis externe assez détaché... En fais-tu partie, ou te contentes-tu de proposer des idées au niveau du son, de quelques samples...
Dans la compo, c’est rare, car j’estime ne pas avoir à me substituer à l’identité du groupe. Je donne mon avis si on me le demande. Par contre, sur la question des arrangements, il m’arrive de suggérer des choses si je trouve qu’une idée est très bonne mais qu’elle pourrait être mise en valeur par un jeu ou une mise en place différents. Tout dépend aussi de la façon dont le groupe souhaite que je m’implique. Certains me demandent un vrai travail de création, d’autres à l’inverse veulent simplement que j’organise les choses de la façon la plus transparente possible afin de tester leurs propres idées, ce que je respecte absolument. Pour moi un bon producteur ne doit pas s’imposer, c’est le groupe qui figure sur la pochette et que les gens achètent, pas le producteur ! Il faut savoir s’adapter à la personnalité du groupe, pour moi c’est ça le challenge, et on en tire beaucoup d’enseignements mutuels.
5. Joues-tu dans un groupe ou as-tu déjà enregistré tes propres projets? Penses-tu que ce soit à conseiller, ou qu'il est difficile de prendre assez de recul quant à sa musique pour faire le travail proprement?
Oui, je suis moi-même musicien, un de mes principaux projets se nomme Carnival in Coal, je me suis occupé de la composition, des arrangements et de la production de nos quatre albums. Ca ne m’a pas paru difficile de faire ces albums, du moins au début…maintenant que le studio est pris par pas mal de projets, je trouve moins de temps pour trouver du temps pour les miens, c’est normal…En fait je suis venu à enregistrer les maquettes de mes propres compos assez tôt, parce que je n’avais pas les moyens d’entrer en studio. Le problème du recul ne s’est donc jamais vraiment posé. Je m’efforce de rester critique et lucide sur mon propre travail ; et de faire mieux à chaque fois.
Je travaille aussi de manière très étroite avec le groupe C-Rom (electro-metal-indus), et même si je ne m’implique pas dans la composition je m’occupe des percussions, de quelques arrangements et de la façon dont l’ensemble va sonner.
6. Quel est le côté le plus difficile dans le travail de producteur?
A mon avis, l’aspect psychologique est de loin le plus difficile à gérer. Lorsqu’un groupe manifeste son désir de travailler avec vous, vous devez vous efforcer de comprendre leur univers et leur personnalité. Et comme assez souvent j’enregistre des maquettes en seulement quelques jours, il est malheureusement rare que je puisse m’investir à fond, je veux dire, autrement que comme un simple ingénieur du son. Parfois cela se passe très bien parce que le groupe ou l’artiste sait ce qu’il veut, d’autres fois c’est plus difficile car je dois deviner ce que l’artiste veut exprimer.
Il arrive aussi parfois que les différents membres d’un groupe n’aient pas du tout la même conception de leur propre projet, et je me retrouve au milieu de la tornade… ! Heureusement, ça reste assez rare, et avec le temps je parviens à sentir et à canaliser les caractères les plus fragiles. Etre producteur c’est aussi parfois travailler avec les égos et les susceptibilités de chacun, ça fait partie du métier. Encore une fois, ça se passe toujours très bien.
7. En quoi consiste le mastering exactement? Certains bidouilleurs proposent des masterings à prix défiants toute concurrence, mais quand on entend le résultat on a plus l'impression qu'ils se sont contentés de mettre tous les niveaux à fond, et de jouer sur quelques fréquences... Je reste un peu dubitatif, surtout que certains proposent un mastering à partir de morceau au format audio (Et dont les différentes pistes ne peuvent être attaquées séparément)... Y aurait-il de l'arnaque dans l'air?
8. J'ai fait plusieurs compilations ou splits en CDr et j'ai rencontré un problème assez troublant: Le volume sonore des morceaux varie d'un équipement à l'autre, les basses et autres fréquences ne ressortant pas de la même façon... On a l'impression d'être face à un travail sans fin, ne touchant à rien de concret, le mix variant de fonction étrange d'une chaine hi-fi à l'autre... Que conseillerais-tu comme truc, et as-tu quelques repères qui te permettent de juger objectivement du niveau sonore??
Je me permets de répondre aux questions 7 et 8 en une fois, car elles soulèvent différents aspects du travail de mastering.
En fait il faut se faire à l’idée qu’il y a autant de façon d’écouter un disque qu’il y a d’équipements, et j’irai même jusqu’à dire, qu’il y a d’auditeurs !! Il est normal qu’un disque ne sonne pas de la même façon d’un lecteur à l’autre, et encore, il y a d’autres maillons dans la chaîne : ampli, égaliseur, enceintes, casque…Chaque équipement et combinaison d’éléments fera sonner un disque différemment, selon les fréquences que l’équipement va favoriser.
Le mieux pour se faire une idée de cette différence, c’est d’aller au rayon TV d’un grand magasin : parmi les modèles exposés diffusant la même image, on va découvrir celle-ci plus ou moins brillante, pixellisée, mate, les couleurs vont être légèrement différentes.
Une bonne façon de réduire l’écart entre les équipements, c’est de pratiquer un mastering sur le mix final. Avec un bon mastering, le disque a une définition correcte sur la plupart des équipements. Le mastering (ou plus exactement pré-mastering, mais le mot mastering a fini par s’imposer), consiste, au sortir du mix final, à améliorer encore le signal par des traitements dynamiques (ce qui va augmenter fortement le niveau sonore et ajouter de la pêche à l’ensemble), mais aussi des traitements fréquentiels (on va définir quelles fréquences manquent ou dominent dans le spectre sonore de l’enregistrement et rééquilibrer tout ça). On peut ajouter aussi des graves, titiller les aigus pour donner de la couleur, élargir la stéréo quand le mix manque de relief. Je compare toujours le mastering au vernissage d’un tableau.
Le truc important, c’est que le mastering s’applique à l’ensemble du morceau mixé, et non sur les pistes séparées. Il s’agit donc bien de fichiers audio et c’est n’est pas une arnaque.
Sur mon site, je montre la différence en mp3 entre des morceaux masterisés et non masterisés, ça donne une bonne idée de l’intérêt de la démarche.
9. Tu n'écoutes que des albums très bien produits, ou aimes-tu aussi des albums au son plus brut, mais dont la musique est terrible? En d'autres termes, arrives-tu à faire abstraction de toutes tes habitudes et réflexes quand tu écoutes de la musique, ou ça devient parfois difficile?
Je suis avant tout amateur de musique, et j’arrive à faire abstraction de la production si la musique est particulièrement inventive. A l’inverse, si un album a une production énorme mais que la musique est chiante comme la fumée, ça restera pour moi un mauvais album. Comme je l’ai dit plus haut, c’est le groupe qui prime, pas le producteur ! Bon, il y a aussi le cas où la prod va être vraiment dégueulasse au point de gâcher tous les efforts du groupe, et là faut quand même pas pousser !
10. Penses-tu qu'un bon producteur puisse largement améliorer l'impact d'un groupe musicalement moyen, à l'aide d'un son massif et d'effets sonores impressionnants, au point d'en faire une sorte de "tuerie"? D'un autre côté, penses-tu qu'un mauvais producteur puisse vraiment gâcher la musique d'un groupe, car la qualité se ressentirait toujours tant que le son reste audible...?
Oui, évidemment, on a déjà vu des albums qui ne seraient pas ce qu’ils sont sans l’apport du producteur. Mais je crois que le public n’est pas débile. Ce qui reste avant tout en tête, ce sont les mélodies, et à mon sens, une tuerie, c’est une production parfaite au service d’un groupe au sommet de son art ; c’est aussi un groupe et un producteur en parfaite symbiose. Il y a aussi des groupes chez qui la production fait partie intégrante de la composition, comme Nine Inch Nails, Björk ou Radiohead…
11. L'informatique domestique étant de plus en plus répandue, les groupes amateurs ont plus de facilités pour accéder à des enregistrements de qualité plutôt bonne, avec simplement l'expérience du bidouillage sur leur PC... Penses-tu que ça pourrait manger une partie du travail des producteurs? Comment vois-tu l'avenir de la production?
Je ne crois pas que ce soit un mal, car les personnes qui font eux-mêmes leurs enregistrements finissent souvent par passer en studio pour finaliser leur projet, ne serait-ce que parce qu’ils en ont marre de passer des semaines entières sur leurs morceaux, et qu’ils finissent par ne plus avoir de recul…Et puis je me rends compte que tout le monde n’aime pas forcément se coltiner l’enregistrement, certains veulent uniquement penser à leur musique et à l’interprétation, ils trouvent plus confortable de déléguer le reste à un technicien. Tout le monde n’est pas preneur de son…
Ce que je trouve intéressant avec l’accessibilité du home studio, c’est que les musiciens sont un peu plus familiarisés avec l’enregistrement, avec le rerecording, avec le fait de se doubler soi-même, ils arrivent parfois en studio mieux préparés, ce qui leur permet d’être plus efficaces et rapides.
C’est assez bizarre comme situation, le marché du disque s’écroule, les gens n’achètent plus autant de musique qu’il y a dix ans , en revanche, je pense qu’ils sont plus nombreux à vouloir en faire et à franchir le pas du studio…je suis donc optimiste par rapport à l’avenir de la production !
12. Merci pour tes réponses, si tu as quelque chose à ajouter c'est le moment...
D’abord merci à toi pour ton webzine et son contenu intéressant. Mon studio est visitable à cette adresse : www.walnutgroove.net , mais attention, le site va être remanié d’ici peu, ça va faire un moment qu’il n’a pas été modernisé, et nous avons pas mal de nouveaux extraits musicaux à faire écouter ! Et n’hésitez pas à jeter une oreille sur les groupes que j’ai produits l’année dernière et cette année : Peïo, a seven hills experience, La Faille, et les futurs albums d’ADX, C-Rom et Wormfood…Il y en a pour tous les goûts !
http://www.walnutgroove.net